Des jolis mots bleus

I care about you
And I don't even know why

C’est sans l’ombre d’un doute ta folie qui te tuera un jour, Jack. Cette folie qui fait de toi quelqu’un de si spécial, mais également celle qui fait que tu dois toujours risquer l’impossible. Pour une raison ou une autre. Ton esprit veut fuir, aller toujours plus loin dans ses limites. Et c’est ce qui te tuera un jour, inéluctablement. Cette folie qui te poussera dans une entreprise que tu ne pourras mener à terme, un entreprise qui sera la dernière de ta sombre existence.

Ou du moins, l’une d’entre elles.

Tu n’as pas peur de la mort présentement. Tu te fiche bien de perdre la vie…Il t’en reste sept après tout. Petit félin gâté par sa seconde vie. Cela ne te rends pas immortel pour autant, et tu finiras bien entendu par les perdre les unes après les autres, jusqu’à ce qu’il ne t’en reste plus aucune. Et, en l’occurrence, tu risques de les perdre bien plus vite en t’adonnant à des folies telles que de voyager alors que les frontières sont fermées. Tu t’en fiches. Cela t’importe peu. Tu te sens au-dessus de lois ? La chute, lorsqu’elle se présentera à ta porte, n’en sera que plus douloureuse et tu te dois d’en être conscient.

Mais tout ça, bien entendu, ça ne t’effleure même pas l’esprit. Tu n’y songe pas parce que dans tout ton être, alors que tu te perds dans ces contrées qui ne sont pas les tiennes, il n’y a qu’elle. Il n’y à qu’à elle que tu penses et si tu peux la revoir tu accepteras bien volontiers les conséquences de tes actes. Même la colère de Batilda si jamais elle vient à avoir besoin de toi et ne te trouve nulle part. Tu es sensé être là pour elle. L’aider, la guider. Toujours.

Mais pas ce soir.

Ce soir tu as décidé d’être égoïste et de penser un peu à toi. Ce soir tu as décidé d’aller rechercher la compagnie de Prudence, parce qu’elle te manque. C’est humain, c’est normal. Même si tu n’as pas vraiment l’habitude. Ce n’est pas de ta faute après tout. C’est parce qu’elle a ce petit quelque chose, n’est-ce pas ? Ce petit bout de charme en plus lorsqu’elle te rejette.

C’est pourquoi tu souris lorsque, main dans les poches, tu t’arrêtes à l’entrée de ce parc où tu lui as donné rendez-vous, pour la contempler juste un peu. Tu n’as pas tout de suite pris garde à ses vêtements, perdu dans ses yeux. Ce n’est qu’après, en faisant quelques pas dans sa direction, que tu as constaté l’état déplorable de sa tenue vestimentaire. Et tu as eu un pincement au cœur. N’aurait-elle donc pas pu mentionner ce genre de choses ?

« Tu es ravissante. »

Malgré tout, tu penses sincèrement ton compliment. Tu n’oses pas la prendre dans tes bras. Qui sait comment elle réagirait ?
Cependant, tu ne gêne pas pour retirer ta veste et lui déposer délicatement sur le dos. C’est déjà ça de pris.

« Je sais que tu étais impatiente de me voir et que tu avais peur de me rater, mais tu aurais pu prendre le temps de mettre des chaussures, tu sais ? »

Petit sourire. Tu fais passer la chose pour une blague. Seulement voilà ce n’en est pas une et tu sais déjà que si elle te confie de pas en avoir, elle risque fort de recevoir de nombreux colis prochainement. Très prochainement.

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Tu la contemple à loisir, elle et ses jolis traits, ses beaux cheveux et ce sourire que tu as fait naitre sur son visage. Tu es fier, nul doute là-dessus. Fier d’être arrivé jusqu’ici et fier de la faire sourire si rapidement avec tes idioties plutôt pourries. Mais qu’importe ? Elle sourit. C’est le principal. C’est tout ce qui compte en cet instant. Heureuse dans sa situation, tu ne peux que la trouver forte. Te dire toute ces choses aussi simplement, tu ne peux qu’avoir davantage envie d’être auprès d’elle et de l’aider à améliorer sa situation. Parce que tu es comme ça, Jack, et parce que tu penses sincèrement qu’elle le mérite.

Tu réponds à son sourire lorsqu’elle sort une barre de chocolat pour la partager avec sa..Son…Tu ignores un peu ce que c’est, mais tu te doutes qu’il s’agit bien de la petite boule de poile dont elle faisait référence dans sa lettre. Et tu trouves ça ô combien attendrissant qu’elle soit ainsi accompagnée, qu’elle prenne soin de cette petite chose alors qu’elle-même a grande peine dans sa vie actuelle. Quelque part cela te serre le cœur mais tu lui souris quand même. Tu te doutes qu’elle n’est pas du genre à vouloir attiser la pitié, après tout.
Elle reprend la parole et ton sourire se transforme en un petit quelque chose de plus taquin.

« Tu as raison. Le terme ravissante ne te conviens pas. Il faudrait trouver quelque chose de plus fort pour qu’il te convienne de façon plus exacte. »

Lentement tu t’approches d’elle pour arriver à sa hauteur. Façon de parler, du moins, car elle est fort petite à tes côtés, Jack. Oh, c’est un détaille. Un misérable détail dont tu ne fais pas cas, bien qu’il t’amuse en quelque sorte. Le fait qu’elle semble si petite, si fragile à tes cotés. Le fait que ce soit probablement le cas, d’ailleurs. Car après tout, peut-on faire pire que toi, Jack ?

« Tu es d’une beauté simple. Sans artifices, sans mensonges, sans jamais avoir à t’arranger. C’est ce qui me plait le plus chez toi, Prudence. Tu es si simple, et si pure dans ta simplicité. Cela dit, je m’inquiète un peu pour ton bien être dans cette situation. Alors laisse-moi te le demander simplement et directement. Accepterais-tu mes cadeaux, si je t’en faisais ? »

Tu te retiens de la prendre dans tes bras. Tu sais que cela serait inconvenant. Et puis ce n’est pas si grave. Commencer à songer aux robes et aux chaussures qui lui iront à ravir, cela te conviens bien, pour le moment.
Tu lui souris de toutes tes dents. Avec une douceur et une sincérité sans pareille. Tu ne veux surtout pas qu’elle soit gênée de cette demande. Tu ne veux pas qu’elle se sente mal à l’aise. Tu veux qu’elle soit elle-même, tout simplement.

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Elle semble surprise et à tes yeux cela rajoute à son charme bercé d’innocence. Comme si elle ne comprenait pas ou ne voulait pas comprendre ce que tu entendais par cadeaux. Tu aurais pu rire, mais tu n’en fis rien. Rire, attendrit par tant d’innocence, ce serait donner l’occasion à son esprit de trouver un millier de raisons pour lui susurrer à l’oreille que tu te ris d’elle. Tu ne veux pas qu’elle pense une telle chose. Tu ne veux plus qu’elle ose songer de telles inepties. Tu veux qu’elle voie en toi la sincérité que tu lui présentes.
Ca et seulement ça. Car tu ne veux pas non plus qu’elle puisse lire en toit comme dans un livre ouvert. Parce que tu es comme ça, Jack. Tu n’aimes pas te dévoiler. Et si jamais on devait venir à en apprendre plus sur toi, tu veux que ce soit de ton fait.

Mais tu sais quoi, Jack ? Plus l’on a de choses à cacher, et plus simple elles sont à trouver pour les tiers. Combien de temps mettra-t-elle à décrypter ce que tu es, Jack ? Combien de temps mettra-t-elle avant d’être aussi dangereuse que Muffin ? Combien de temps mettra-t-elle à te connaitre assez pour que tu puisses en avoir peur d’une telle proximité ?
Tu le sais, tu l’as toujours su. S’attacher c’est s’exposer. S’attacher c’est se dévoiler. S’attacher se mettre en danger. Car hors de question pour toi de laisser tes principes de côté pour qui que ce soit.
Hélas, c’est quelque chose que l’on ne contrôle pas. Et le jour où ça te tombera dessus, tu n’auras plus qu’à faire ton choix en toute ton âme et conscience. Pauvre petite âme tourmentée en devenir.

Tu devrais t’éloigner d’elle et tu le sais. Le problème c’est qu’elle te fascine. Dans sa façon d’être, dans sa façon de penser. Dans sa façon de se battre contre la vie elle-même et ses conditions. Plus elle prétend ne pas être différente des autres, plus elle semble si unique à tes yeux. En ça elle te ferait presque peur.
Si tu étais un papillon elle serait sans nul doute un feu Jack. Tu sais que tu devrais tourner les talons et laisse ses flammes dévorer quelqu’un d’autre. Pourtant tu restes, tu t’approches un peu plus de cette chaleur qui semble encore douce. Lorsqu’elle te brulera peut-être auras-tu compris. Mais il sera déjà trop tard.

Pourtant, Jack, tu souris.

« Est-ce que les enfants qui ouvrent leurs cadeaux pensent à de telle choses ? Non. Jamais. Pas même un instant, pas même une seconde. Parce qu’ils n’ont pas encore la présence d’esprit de comprendre la contrepartie du bonheur que leur apportent ces cadeaux. »

Tu mets tes mains dans tes poches et tu élargis ton sourire.

« Alors ne peux-tu pas être l’enfant innocent qui ne songera pas à moi, s’il te plait ? Je suis assez grand pour être capable de gérer mon argent. Et puis de toute façon, c’est Batilda qui me loge et qui me nourris. »

Innocemment tu ris. Tu ne penses pas un instant que ça ne la fera peut-être pas rire, elle. Tu ne penses pas un instant qu’elle pourrait haïr cette situation, la jalouser peut-être ? Non Jack parce que ce genre de pensées ne peuvent t’atteindre. Toi qui vois Batilda comme une femme avant tout. Toi qui la vois Humaine et non Monstre.

« Cela dis. Si pour accepter mes cadeaux il faut que tes vêtements soient en lambeaux, cela peut s’arranger. »

Tu gardes un doux sourire alors qu’une de tes mains sort de ta poche. Paume vers le ciel, tu fais apparaitre une petite boule de feu dans son creux. Tu songes un instant à l’éteindre, mais finalement tu préfères attendre de voir comment elle va réagir face à ta petite blague.

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Tes yeux la fixent. Tes yeux de glace, tes yeux de feu. Tes yeux qui ne devraient pas exprimer cette inquiétude que tout porte à tous les tremblements glacés de ton interlocutrice. D’ailleurs, tu mets même un temps à sourire de sa réplique. Bien sûr que tu n’allais pas bruler ses vêtements de toute façon. Pas sans avoir de quoi lui offrir mieux sous la main. TU aimerais lui dire, mais pas pour l’instant. Tu la laisses, patient, terminer sa prise de parole. La politesse, Jack, te quittera-t-elle un jour ? Probablement pas, un gentleman reste un gentleman après tout.

Tu soupire finalement. Faible. Tu détestes ce mot. Faible. Tu détestes la façon dont les gens ont si aisément l’idée de se laisser à la fatalité en ayant pour seul prétexte qu’ils sont faibles. A tes yeux cela n’a jamais été une question de faiblesse mais de volonté. La force de l’esprit est plus forte que celle du corps. Avec un mental d’acier on peut faire face aux pire situations. Et si ce n’est pas suffisant, alors ce n’est pas grave. L’important c’est de ne pas se laisser aller. De ne pas céder à la facilité des mots.

Tu claques des doigts. Aussi tôt la flamme présente dans ta paume disparait. A la place tout autour de vous le feu prend forme, dans un cercle parfais dont vous êtes à présent le centre. Les flammes ne sont pas trop grosses, juste assez pour réchauffer l’atmosphère pour vous deux, et restent disciplinées. Elles ne s’étendent pas, elles restent ainsi. Dans ce cercle parfais. Presque pour vous couper du reste du monde. Presque pour vous isoler qu’une quelconque tierce personne.
Et toi, Jack, avant de prendre la parole, tu poses ton regard sur ce feu, cette chaleur.

« Ce n’est pas être faible que d’avoir parfois besoin des autres. C’est être humain. L’humanité aurait simplement péri sans une entraide vitale. Nous sommes ainsi et nous n’y pouvons rien ; nous avons besoin des autres pour faire à notre place ce que nous ne pouvons accomplir, et, à contrario, ils ont besoin de nous pour les tâches qui leurs sont inaccessibles. »

Ton regard n’ose pas revenir chercher le sien. Pourtant, marque d’affection tout de même, une de tes mains vient se poser sur le sommet de son crâne. Comme elle te sembles petite en cet instant. Comme elle te semble sans défense. Comme tu as envie de la protéger…

« Je t’offrirais tout ce dont tu as besoin, tout ce que je serais capable de me procurer pour toi. Et, en échange, si j’ai besoin de quelque chose, je viendrais te le quémander. Cela te semble-t-il plus correct ainsi, ma jolie Prudence ? »

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Tu la contemples et tu cherches les moindres détails des réactions de la belle face à tes mots. Cela t’amuses presque, de remarquer tous les petits tics qu’elle a lorsqu’elle est simplement heureuse, ou alors que tu as raison, lorsqu’elle n’a plus d’arguments pour te contredire, lorsqu’elle fait semblait d’être en colère ou de t’en vouloir afin de t’atteindre.  Pourtant cette fois elle tentait de cacher aux mieux ses émotions, tant que tu n’aurais su dire si elle allait continuer à refuser tes propositions ou si elle allait enfin accepter.

Cela te semblait affreusement mal parti lorsque tu l’as vu s’accroupir et poser sa tête contre ses genoux. Tu t’es même demandé si elle pleurait. Ce n’est que l’absence de sanglots et de tremblements, au départ, qui te fit penser que non. Jusqu’à ce qu’elle prenne la parole sans que tu ne puisses noter de tremblement ou de mal être dans sa voix. Tout semblait donc aller bien pour elle. Ce que tu peux être con parfois, hein Jack ?

Le pire étant que c’était cet instant que tu avais choisis pour jouer son jeu à elle. Tu voulais voir quelle serait sa réaction si c’était toi qui commençais à essayer de l’atteindre d’une manière ou d’une autre. C’est dans cette optique que tu avais commencé à réfléchir sur ta façon de faire. Lui confesser qu’elle était ridicule dans cette posture n’était pas véritablement suffisant à tes yeux, et commencer à la taquiner avec tous ses défauts serait certainement plus blessant qu’éducatif. Oh, tu aurais pu te creuser la tête longtemps, car dans le fond ça ne te ressemblait tellement pas que tu ne trouvais rien. Mais ce fût finalement elle qui vint t’offrir une solution en reprenant la parole. Un petit sourire moqueur vint alors se dessiner sur ton visage, ta bouille d’ange diabolique.

« Oh, vraiment ? Je devrais m’en aller, dans ce cas. »

Sans doute n’était-ce vraiment pas malin. Et pourtant, poussant le vice jusqu’à son terme, tu pris même soin de tourner les talons et de faire quelques pas, mains dans les poches. Et tout ce qui te passait par la tête alors était ces questions portant sur ses diverses réactions possibles. Et la tienne, si elle t’avait fait cette blague de mauvais goût.