Avançant dans la pénombre, chacun de mes pas résonne dans ce lieu abandonné de tous, rendant impossible toute avancée discrète. Pourtant, je redouble d'efforts pour essayer de faire le moins de bruits, j'en viens même à porter mon katana à la main, pour éviter qu'il ne percute le moindre obstacle. J'ai entendu un grand nombre de rumeurs sur ce lieu désolé, mais personne ne m'avait prévenu que cet endroit était si effrayant et imposant... Je suis sûre que si j'aurais été de faible nature, j'aurais pu avoir peur. Mais bien sûr, je suis bien trop forte pour avoir peur de quelques murs, de plantes grimpantes poussant de façon totalement désordonnées ou encore d'ombres s'étirant en tout sens. D'ailleurs, cette ombre-ci pourrait même avoir une forme amusante, avec un peu d'imagination...

Je secoue vivement la tête pour m'ôter toutes ces pensées qui ne me servent pas à grand chose ici. Je traverse un couloir, puis un autre, je tourne à droite, à gauche, et soudainement, je me trouve dans un large couloir qui ne possède plus de toiture, laissant entrer la vive lumière du soleil. Un léger sourire se dessine sur mon visage, profitant de la douce chaleur avant de traverser à pas rapide le couloir. Mais une fois arrivée au fond du couloir, je ne vois rien d'autre qu'un mur. Une impasse. Un cul de sac.

Cela pourrait être embêtant pour un individu lambda, mais pas pour moi. Dans un large sourire, je fais surgir un de mes bras invisibles, ces extensions de mon corps, et l'étire sans mal jusqu'au haut d'un des murs défoncé du couloir. Je prends un peu de force pour m'élancer, avec grâce et légèreté, jusqu'au sommet de ce mur où je me pose sans efforts, profitant ensuite de la hauteur pour observer les environs. Visiblement, très peu de salles et de couloir de ce vaste laboratoire sont aussi délabré que celui dans lequel je me trouvais, ce qui ne m'arrange pas.

Puis je vois, au loin, une toiture suffisamment délabrée pour que je puisse m'y engouffrer. Ni une, ni deux, je fais apparaitre mes deux extensions ayant la forme de gigantesques mains et les places à mi distance entre ma position et cette pièce que j'ai vu un peu plus tôt. Je prends un peu d'élan et me jette dans le vide, survolant les différents murs qui forme ce laboratoire, pour finalement tomber dans l'interstice. Mes pieds entre en contact avec le sol dans un grand fracas, m'arrachant une grimace.

- Bravo pour l'entrée discrète...

Je parle soudainement à voix haute, comme pour me punir moi-même de ma bêtise. Foutu pour foutu, je dégaine ensuite mon katana et frappe du plat de la lame tous les murs pour provoquer un vacarme assourdissant. Souriante, je m'avance alors dans le couloir jusqu'à ce que je trouve une porte qui semble en meilleure état que toutes les autres que j'ai pu voir jusque là. Étrange, et en même temps très intriguant. J'ouvre alors la porte en la poussant avec le fourreau de ma lame, observant l'intérieur d'un œil curieux. Que vais-je bien pouvoir trouver à l'intérieur ? Cette pensée m'arrache un large sourire.

Raté, il n’y avait personne dans la pièce que je viens d’ouvrir. Derrière moi, en revanche, il y a bien quelqu’un. Une personne qui appuie quelque chose contre mon dos, et qui me questionne aussitôt sur la raison de ma présence ici. Je commence à me faire une petite idée de la personne qui se tient derrière moi et dans un sourire, j’entame un début de conversation sans pour autant me retourner, comme mon interlocuteur me l’a si gentiment demandé.

- Je serais stupide de m’aventurer dans un lieu dont je ne connais rien. Et je sais bien évidemment qui vit ici, sinon je n’aurais pas pris la peine de venir, cher Isaac. Je peux t’appeler comme cela j’espère ?

L’approche est faite, les présentations suivront bientôt. Mais ce rapport de force non équitable ne me convient guère. Ni une, ni deux, je matérialise un de mes bras sans que ce brave homme puisse se douter de quoi que ce soit, puis je saisis le maître des lieux avant de le faire reculer à toute vitesse jusqu’au mur derrière lui. Mais je ne prends pas le risque de le blesser bien sûr, ce serait idiot de ma part vu la raison de ma présence ici. Je l’immobilise ainsi juste devant la paroi avant de le libérer de mon emprise, puis je me retourne pour enfin découvrir à quoi ressemble ce charmant personnage. Et autant dire que je ne m’attendais pas à cela.

Moi qui m’attendais à voir une personne plutôt effrayante, son visage est tout à fait charmant. Toutefois, lorsque j’observe ses yeux, un léger frisson me parcourt. Ce n’est pas son physique qui est terrifiant, mais son être lui-même, et ses yeux en disent long sur sa personnalité. Il va falloir jouer serré pour réussir à bien m’entendre avec lui.
Je découvre par la même occasion l’arme avec laquelle il me menaçait. Une canne. Tout simplement. Me voilà ridicule maintenant, d’avoir été menacée par un simple morceau de bois.

- Il faut toujours parler en face à face avec une femme, sous peine de la vexer. Et maintenant que je vois enfin ton visage, je vais pouvoir me présenter. Je me nomme Unwanted, et je cherche à te rencontrer.

Les présentations sont faites, le ton est lancé. Je ne rengaine pas mon arme pour autant, on ne sait jamais ce qui peut arriver dans la Terre des Noiraudes. Non, on ne sait jamais.

Chacune de ses phrases, chacun de ses actes... Tout en lui montre un certain degré de folie, ce qui me permet de confirmer l'idée que je me faisais du personnage. Comme quoi les rumeurs qui circulent sur lui ne sont pas infondées. Il va maintenant falloir que je lance une conversation avec lui, mais vraisemblablement, mon entrée en scène ne lui a pas plu. Il fait également preuve d'une méfiance à toute épreuve, pensant même que je viens pour le tuer... Je ne savais pas les génies si naïfs. Prendrais-je la peine de parler si je venais le tuer ? Je rengaine mon katana, espérant le rassurer sur mes bonnes intentions, mais je reste à l'affût, gardant mes deux mains invisible non loin de lui. Au moindre mouvement suspect, je peux ainsi tenter de l'immobiliser, ou au moins gagner du temps.

- Te voir pour discuter, tout simplement. Oh, et je m'excuse mais les formules de politesses, c'est pas trop mon truc.

Je me rapproche de quelques pas, tout en restant sur mes gardes, et profite de cette nouvelle proximité pour détailler mon interlocuteur. Un visage plutôt fin, de longs cheveux blonds... En ôtant la folie qui s'imprègne sur son visage, Isaac pourrait être un homme magnifique. Mais, préférant ne pas trop m'attarder aussi près de lui, je recule de quelques pas en sautillant, souriante. Peut-être aurais-je enfin l'occasion de faire quelque chose d'un tant soit peu utile, si tout se passe bien. Il faut juste que je me fasse bien voir de ce personnage qui n'a pas l'air de me porter dans son cœur pour l'instant... Pour l'instant.

- Bon, navrée pour l'approche un peu brutale mais il faut me comprendre, je préfère me tenir prête à tout. Lorsqu'on entend ce que la plupart des exilées pensent de toi, il y a de quoi avoir peur. Et pourtant, le but que tu cherches à atteindre m'attire irrémédiablement. Accepterais-tu de m'accorder ne serait-ce que quelques instants ?

Dix minutes. Moins quatre pour ce que je viens de lui infliger. En d'autres termes, il est vexé par ce qu'il vient de se passer .Je vais devoir faire mon possible pour le convaincre. Un sourire se dessine à nouveau sur mon visage tandis que je déploie mon don pour m'assurer d'une distance de sécurité à garder avec le scientifique. Mes membres invisibles se placent chacun à un bout et un autre du couloir, prêt à me faire partir à toute vitesse au cas où les choses tourneraient mal.

- Je voudrais te rejoindre et t'assister dans ton objectif. Pour tout te dire, je commence à trouver ma vie en tant qu'exilée lassante, une lutte perpétuelle pour la survie dans une contrée menaçante... Alors que de leurs côtés, les habitants des Trois royaumes vivent paisiblement, en ignorant royalement les difficultés qu'éprouvent les personnes qu'ils rejettent sans aucune raison.

Je prends quelques secondes de pause pour observer la réaction d'Isaac à mes mots, espérant que ceux-ci puissent l'atteindre d'une quelconque façon. Après tout, lui aussi semble être contre les Trois avantagés de ce monde, si l'on en croit les bruits qui courent sur lui. J'ai donc toutes mes chances de faire pencher la balance en ma faveur.

- Je suis sûre que tu as besoin du plus d'aide possible, non ? Et je suis capable de tout faire, qu'ils s'agissent de récolter des informations, de protéger ou d'attaquer...

Voilà, tout a été dit. Maintenant, il ne me reste plus qu'à espérer que mes arguments ait convaincu ce dangereux scientifique. Une attente interminable.