Ce jour là, il pleuvait sur la terre des Noiraudes. Berry écoutait la mélodie des gouttes qui s'écrasaient tour à tour sur le malheureux bout de taule qui constituait le seul élément de son abris de fortune. La jeune fille avait été surprise par l'averse, la chance de trouver de quoi se protéger la tête lui avait sourit, et c'est trempée jusqu'aux os qu'elle attendait la fin de la saucée assise en tailleur sur la terre humide d'un gros terrier. Elle désirait rejoindre les troupes de Sweety, mais jamais encore elle n'avait réussit à la rencontrer, depuis des semaines elle errait dans l'espoir de tomber par hasard sur elle.

Les rayons du soleil percèrent ses paupières, lesquelles s'étaient closes sous la fatigue de la marche. Elle sortit de son abris en s'essuyant la terre mouillée collée sur sa joue, s’époussetant les jambes toutes aussi sales, s'essorant les cheveux. Le terrier où elle avait momentanément séjourné se trouvait sous le versant d'un contre haut plein de verdure sur laquelle le soleil faisait briller les dernières gouttes de pluie. Berry gravit la petite montée non sans glisser une fois ou deux, et découvrit ainsi un grand parc où demeurait des décombres de jeux pour enfants.

Chaque construction manquait de s'effondrer à tout moment, les plaques de métal montraient des plaies saillantes de peinture écaillée, les toboggans bancals ne payaient pas de mine non plus, les boulons sortaient de leurs trous, les pieds s’enfonçaient dans le sol boueux. Ce qui devait ressembler autrefois à du gravier n'était plus que poussière au milieu des flaques de boue mêlée à l'eau croupie. La légère brise faisait bouger les balançoires dont les mousquetons rouillés hurlaient sous la caresse du vent. Berry avançait le pas avisé, essayant d'éviter les marres de boue, vers ces balançoires qui semblaient être assez solide malgré tout. Elle s'assit délicatement sur une des quatre, la faisant bouger tout doucement à l'aide de ses jambes maintenant trop grandes pour laisser libre court au mouvement. Elle se revoyait petite, à essayer des toucher les feuilles des arbres avec ses pieds en se balançant de toutes ses forces, voulant aller toujours plus haut que son frère et sa sœur... Elle se prit à sourire comme une niaise face à ce souvenir.

Son regard dans le vague, l'esprit ailleurs, elle avait sentit la présence de quelqu'un sans la relever. D'ailleurs cette présence était sorti de nul part, comme si elle s'était matérialisée directement dans le parc de jeux. Une voix la tira de sa rêverie, un voix de femme assurée, un voix légèrement grave avec un brin d'espièglerie dans le ton... Non ! Ca ne pouvait pas être Cette personne tout de même ? Impossible. Elle tourna brusquement la tête, sa vision mit quelques secondes à reprendre sa netteté puis finalement, ses yeux s’écarquillèrent et sa bouche fut tiraillée entre l'étonnement et la joie.

« J'espère que tu n'attends pas que je te tombe dans les bras. » dit Berry sur un ton de raillerie, couplé d'un de ses plus grands sourires.

Ce sourire ne contenait aucune hypocrisie, elle était réellement ravie de tomber sur Diane. Aussi, comme l'avait fait remarquer cette dernière, elles ne s'étaient vu depuis des lustres, à tel point que Berry ne se souvenait plus vraiment de leur dernière rencontre.
Elle se leva de sa balançoire et se planta devant son amie. Elle avait bien changé, ses cheveux n'était pas comme dans son souvenir, son visage était affiné et son regard plus profond et plus saisissant. Par contre, elle la dépassait d'une tête, comme toujours. Cela avait toujours profondément agacé Berry de devoir lever les yeux pour s'adresser à elle. Elles étaient toutes deux trempée, leur maquillage avait coulé sous leurs cils, leurs cheveux étaient lamentablement collés à leur peau... Leurs états grotesque fit pouffer Berry, qui cacha ses lèvres de sa main, ses yeux sourirent à la place.

Rien n'avait changé. Elle avait toujours cette particularité dans son ton, ce qui le rendait tellement unique, ce pourquoi Berry l'avait apprécié dès leur première rencontre. Diane répondit à sa question, lui parlant de son métier et de là où elle vivait puis la questionnant aussi sur sa situation. Berry prit eut un infime froncement de sourcil, ses lèvres se pincèrent, son regard s'obscurcit.

- Je n'ai pas eut l'occasion de rencontrer beaucoup de monde depuis que j'ai quitté la frontière vois-tu. Ce n'est pas pour rien que cela s'appelle la Terre des exilés, n'est ce pas ? J'essaye de me débrouiller au jour le jour pour manger et dormir jusqu'à ce que je trouve quelque part où me loger définitivement. Et puis, ne plus exercer mon métier me manque affreusement. Mais cette situation n'est que momentanée, je sens que je ne vais plus rester comme ça longtemps !

La jeune femme avait en effet séjourné près de la frontière dans une petite cabane, mais elle avait décidé de quitter son logement pour rejoindre les troupes de Sweety. Seulement, elle ne voulait pas faire part de cette information à Diane, puisque celle-ci était espionne. Berry n'osait même pas penser aux conséquences si elle avait par mégarde révélé ceci.
Le vent souffla, apportant dans son sillage quelques gouttes de pluie. Une averse plus forte que la première éclata, avant même de laisser Diane répondre. L’exilée laissa échapper un juron, avant de prendre son amie par le bras et l'emmener dans un tube du parc enfantin. Elles s'y glissèrent à quatre pattes, et s'y installèrent comme elles purent. C'était assez étroit et absolument pas solide, la structure en bois émit un grincement humide lorsqu'elle pénétrèrent dans le tube. Berry ne put s'empêcher de rire aux éclats, elle trouvait la situation vraiment burlesque. Elle ne put entendre si le rire de son amie s'était joint au sien tellement elle riait fort.
Le fou rire passé, elle s'essuya le dessous de l'oeil qui avait coulé sous l’hilarité, même si cela ne servit à rien puisque ses yeux étaient déjà mouillé d'eau de pluie.

La tête à peine sortit, avant même que la première goutte ne lui tomba sur ses cheveux, elle le reconnut. Elle resta figée, les yeux écarquillés, la bouche entrouverte de stupeur. Ce fou furieux, l'homme le plus dangereux de Skies Kingdom, l'homme le plus susceptible de renverser le fragile équilibre qui liait les trois royaumes et de s'emparer du total pouvoir. Isaac. Le rythme cardiaque de Berry reflétait sa panique, ses mains était prises de tremblement, et son corps tout entier fut assaillit de frissons. Elle s'empara du bras de Diane qui l'avait rejoint, et la tira un peu en arrière, il ne fallait pas qu'Isaac s'empare d'elle. Elle savait énormément de choses, elle était dans l'ombre, une des personnes les plus importantes de la Vallée, ce qui faisait d'elle une cible de choix pour l'ennemi public numéro un.

Isaac. Comment avait-il su que Diane serait ici, et puis comment pouvait-il seulement la connaître ? Il ne pouvait pas être ici pour une autre raison, Berry en était persuadée. Lui, il avait l'air plus dérangé que ce que lui avait décrit Sweety. D'apparence, il avait l'air d'un gentleman toujours impeccable sur lui-même. Pourtant rien qu'en scrutant dans son regard, on discernait cette intense folie qu'il attisait depuis probablement sa « tendre » enfance. Rajoutez le petit sourire en coin et  tadaaam vous obtenez un véritable psychopathe.

Berry ne pouvait pas le laisser faire quoi que ce soit, elle était même prête à se battre. Se disant, elle écarta légèrement une jambe et plia un peu son genoux porteur, prête à bondir. Elle prépara son venin a sortir sur sa peau, et de ses mains commençait à ruisseler des gouttes violacées qui brûlaient le sol en s'y écrasant. Le blanc de ses yeux arborait des stries mauve qui partaient de ses iris de la même teinte.

-Tu ne trouveras rien ici pour tes abominations, espèce de fêlé. Lui lançait-elle. Barre-toi Isaac.

Sa peur était à présent camouflée par l'adrénaline, son sang battait dans ses tempes. Il fallait le faire partir, peu importe le prix.