Si d'habitude, Schrödinger a l'habitude de se précipiter en hurlant pour faire du toboggan en chantant des chanson stupide, ce n'est pas le cas aujourd'hui. Aujourd'hui, il est en mission observation. Il voit tout de suite quand les gens n'ont pas une tête à s'amuser, et qu'ils viennent donc ici pour faire des trucs de personnes ennuyeuses: en moyenne, ils mesurent plus d'un mètre cinquante, ont aux alentours de vingt ans (comme tout le monde ici), n'ont plus le pantalon déchiré au niveau des genoux, ne chantent pas, ne courent pas, ne dansent pas, ne s'amusent pas. Et la fille assise sur la balançoire correspond parfaitement à ces critères.
Alors il s'avance tout doucement, à pas de sioux, en retenant sa respiration pour ne pas faire de bruit. Le problème, c'est qu'il avance de face, donc elle peut le voir. Elle se lève et lui indique la balançoire. Au fond de lui, il n'a qu'une envie, courir et s'y installer, mais quelque chose le retient. Il reconnaît le visage. C'est un visage des journaux. La conseillère de la Vallée. Il grimace. Il resserre son sac à dos, heureux que ses poissons soient restés à la maison. Qui sait si elle n'aurait pas eu envie de les emmener avec elle, de les mettre dans un bidonvilles avant de retourner dans son manoir où elle doit bien s'amuser. Il s'avance encore un peu, lâche un vague: "Bonjour. Non merci", toujours la même mine dégoûtée sur le visage. Il n'aime pas cette femme. Il s'avance encore. Demande: "Vous faites quoi ici? Vous chercher des gens à ramener dans les bidonvilles?"
Son enthousiasme de venir au parc est retombé comme un soufflé.