tes ailes battent au dessus du sable. tu ne le frôles pas, tu es bien plus haut que le sol. pourtant, le vent porte les grains dans tes plumes; pourtant, tu l'aperçois encore. tu te fais le plus discrète possible, dans ce désert. n'est-ce pas normal qu'un oiseau de mer cherche le sable ? ce n'est peut-être pas très discret, en effet. il n'empêche que c'est toujours bien plus utile pour l'observer. dès que tu l'as vu, plus tôt, tu t'es dis que tu te devais de résoudre ce mystère. tu t'es dis qu'il fallait savoir si c'était un mensonge, un faux. tu l'as donc suivi, pas avec tes cheveux roux. tu l'as suivi d'en haut, de là où il ne te verrait sûrement pas, de là il ne te reconnaîtrait sûrement pas.
tu comptais encore le suivre. tu comptes encore le suivre longtemps. tu planes, tu bas des ailes. tu sens le vent frôler ce qui devrait-être ta peau. tu sens certains grains aller dans tes yeux. ça ne te dérange pas, tu as l'habitude. tu es comme un vautour. tu observes ta proie. tu attends. tu te prépares. tu es comme un prédateur, mais tu n'as pas de griffes ou de serres acérés. tu as juste ton bec et tes pauvres pattes.

tu ne le quittes pas des yeux. tu l'observes. tu ne perds pas une miette de ce que tu vois; tu cherches l'erreur, le truc qui n'est pas censé être là. tout semble trop réel, trop vrai. le truc qui te dirait que ce que tu vois est faux, que tu as perdu ton temps et qu'on t'a fait espérer en vain.

tu manques de chuter. tu manques de tomber. à ce moment-là, tes ailes, tu as eu du mal à les faire battre. tu ne t'y attendais pas; tu fus surprise. tu as failli te poser, te montrer sous ta vraie forme. mais non, tu as tenu bon. parce que ton cerveau a réagi; il n'a pas le don de savoir qui tu es. enfin, tu le penses. tu ne sais pas. tu ne sais plus. l'as-tu déjà su ? tu es toujours en hauteur, seemöwe, tournant au dessus de lui comme un vautour. tu n'es pas un vautour; tu n'es qu'un pauvre oiseau des mers. et pourtant tu es là. ça devrait choquer, ça devrait faire tic. s'en doute t-il ? tu doutes de la réponse à cette question.

sans vraiment t'en rendre compte, tu t'es rapproché du sol, ou du moins du sable. tu n'as pas atterri, tu es juste plus proche. de ton gosier sort un bruit prononcé; celui de ta race.

le suivras-tu encore longtemps ? tu ne sais guère, car tu es tiraillée par le doute; est-il ou n'est-il pas, voilà la question qui se pose en toi.  

tu le vois qui s'enfonce dans une grotte. c'est impossible pour toi de passer sous cette forme. enfin, tu n'en es pas sûre, mais même si tu y parvenais, cela paraîtrait étrange de voir une mouette dans une grotte. et tu le sais. mais tu veux le suivre. tu veux savoir. alors une fois qu'il a pénétré dans ce qui semble être son repère, ou un passage pour celui-ci, tu te poses par terre et reprends ta forme de rouquine.

tu vas sûrement faire une connerie, mais tu ne t'interroges même pas. tu passes à travers les rochers, te collant contre la paroi pour faire en sorte de ne pas te faire prendre. c'est bête, inutile, vu que même ainsi ton ombre se reflète par terre. tu n'es pas discrète. tu ne la vois pas, ta silhouette sur le sol. et tu continus d'avancer.

oh que tu es bête seemöwe.

sans savoir ce qui se passe, tu te retrouves plaquer contre le mur. ô seemöwe, te voilà dans une bien piètre situation. il te payera ça un jour, ou du moins s'il n'est pas celui à qui tu penses. d'ailleurs, il est le premier à te questionner sur qui tu es. bien entendu, tu ne te laisseras pas faire. ce n'est pas parce que tu as la joue collée sur la pierre que tu es faible, loin de là.

☆ tu crois vraiment que je vais répondre à une sorte de conard de clone ?

comme pour accentuer ta parole, tu tentes de lui balancer un coup de pied vers lui, mais tu ne sais pas véritablement si cela portera ses fruits. après tout, c'est toi qui est en position de faiblesse, see, pas lui.

☆ prendre l'apparence d'un mort c'est un truc de pauvre, digne de yubaba.

tu veux rajouter une insulte ou deux. mais tu ne te le permets pas. tu ne le permets pas pour une raison : si c'est le vrai tu te taperais le con. certes, il n'y a aucunes chances pour ça, mais bon. on n'est jamais assez prudent.

tu l'entends ricaner. il se fout de ta gueule, l'enflure. néanmoins, il a l'intelligence de se rendre compte que tu ne fais pas partie de ces connards de yubaba. ces sales riches qui se croient au dessus de tout. tu n'as jamais pu les supporter, même à l'époque où tu vivais dans la vallée. à tes yeux, ce peuple vivant dans la bourgeoisie et le luxe n'est autre que le peuple le plus pauvre du monde; pauvre d'esprit et de sens.

il te lâche et te repousse. tu manques de tomber au passage, mais tu te retiens; tu ne chuteras pas. jamais. il te regarde, tu le regarde avec un regard qui se veut un peu plus méchant que le sien, comme s'il y avait une pointe de haine dans le coin de ton œil. il parle, aussi, alors tu l'écoutes. tu veux savoir ce qu'il a à dire pour sa défense. et plus les phrases passent et plus le peu de haine que tu tentais d'avoir s'estompe. à la fin, il n'y a plus que de la surprise, see. il n'y a plus que de la surprise face à cette vérité. il est erwin, le seul et l'unique, celui que tu as admiré pendant toutes ces années. celui dont le départ t'a fait choisir le vie d'exilée. et maintenant, tu te retrouves nez-à-nez avec lui. ce n'est pas normal. ça en tiendrait presque du rêve.

mais sa façon de parler ne ment pas. sa façon d'agir non plus. erwin vivant ou erwin mort, il a toujours ce petit quelque chose qui fait que. et ce petit quelque chose tu l'as reconnu.

☆ oh putain. tu ... vous ... le vrai ?

t'as même du mal à parler, maintenant. t'es pas douée, seemöwe.

tu ne sais toujours pas si tu dois le vouvoyer ou le tutoyer. alors tu le vouvoie, parce qu'il est, pour toi, ce qui représente la justice; et que tu le respectes. il semble d'ailleurs plus petit en vrai, mais il est toujours aussi roux. ah, une fierté pour lui, tu espères. au moins il n'a pas fait comme certains de ces crétins qui tentent de se décolorer la tête parce qu'ils n'ont soit disant pas d'âme. ah, l'intelligence de cette homme te fera toujours sourire. tu fais si pâle figure à côté de lui.

☆ une pâle copie qui se ferait passer pour vous. un connard qui se croit malin. un fou qui ne tient pas à la vie.

tu réponds à sa question qui se voulait sans doute rhétorique. ce n'est pas grave, car cela te permet de montrer un peu plus ton opinion.

☆ seuls les imbéciles de batilda oseraient faire ça.

craches lui dessus, montres ta haine envers cette daughterofbitch. il doit savoir que tu hais sûrement cette reine de pacotille autant que lui. il doit comprendre que tu es comme lui : anciennement acceptée aujourd'hui exilée.

il marche avec cet air royal, cette prestance qui n'est plus à redire. tu ne le quittes pas des yeux, sûrement de peur qu'il disparaisse, ou tout simplement subjuguée par sa façon d'être. il te parle encore, tu t'en sens honorée. il précise que ce n'est pas un des chiens de cette rosette, mais ce n'est pas étonnant, elle ne fait pas tuer ses clebs.

☆ ô mais je n'en doute plus.

tu souris en coin. sans t'en rendre compte, il y avait cette teinte dans ta voix, cette petite sonorité qui disait clairement que tu t'amuses de la situation. tu ne cherches pas à le cacher. d'ailleurs, il semble y trouver un certain intérêt aussi, après tout, il continue de s'exprimer, te posant les questions de bases. fière d'attirer l'attention de ton héros de toujours, tu réponds bien aimablement, sûre de toi, sans pour autant le suivre immédiatement.

☆ seemöwe, entre vingt et tente ans -comprenez, on ne compte plus à force-, exilée depuis peu, anciennement de la vallée, sir.

tu ris un peu, son hésitation est compréhensible. tout est compréhensible. ce n'est qu'après avoir répondu à ces quelques mots que tu décides de bouger, te déplaçant dans sa direction, tout en expliquant ton don.

☆ rien de tout cela, juste une transformation en mouette, en fait. mais les gens pensent rarement à regarder vers le ciel lorsqu'ils se sentent suivis, alors c'est tout aussi pratique, n'êtes-vous pas d'accord ?

à l'avenir, il devrait faire plus attention. qui sait sur qu'il pourrait tomber, après tout; les exilés ne sont pas tous aussi adorables que toi.