Krow parcourait les rues du quartier commerçant d’un pas rapide, un air sombre plaqué sur le visage. Autour de lui, les stands proposaient de la nourriture –viandes rôties à la peau dorée et craquante, fruits mûrs et tendres, épices odorantes et colorées, plats appétissants–, des animaux –extravagants, beaux ou drôles, toujours colorés, toujours exotiques–, ou encore des richesses attirantes –pierres et métaux précieux, matières inconnues, bijoux et armes onéreux– mais le regard de Krow les survolait tous distraitement. Un livre. Il lui fallait un livre. Sinon il allait mourir d’ennui. Un livre. Oh oui, un bon gros livre.
Il avait commencé par chercher une librairie mais il n’avait jamais eu un très bon sens de l’orientation, et il ne connaissait la ville que de puis un mois. Après avoir failli se perdre trois fois, il s’était rabattu sur le quartier commerçant, qu’il connaissait mieux. Mais soit personne ne savait lire dans ce foutu pays, soit il n’avait vraiment pas de chance (la deuxième solution semblant tout de même plus probable) parce qu’il n’avait pas encore vu l’ombre d’un livre.
Ce n’était tout de même pas trop demander !

Cela faisait quelque temps que Berry manquait de tissus, cependant elle repoussait le moment où elle devrait partir de chez elle pour la énième fois. Mais elle avait maintenant atteint le point de non-retour et devait absolument s'en racheter. C'est pourquoi elle se trouvait ce jour-là dans le quartier commerçant des Landes de Calcifer à la recherche de nouvelles étoffes. Soie, lin, coton, laine, motifs fleuris, rayés, à pois, paillettes et babioles... Cet endroit regorgeait de tissus tous plus beaux et originaux les uns que les autres. Elle était aux anges, elle dépensait sans compter et elle avait tellement acheté de rouleaux de tissus qu'elle dû louer une mule pour pouvoir tout transporter.
Ainsi, elle après avoir terminé une affaire, elle chargeait un dernier rouleau sur le dos de l'animal, elle aperçut un visage familier. Le petit Krow regardait les étales des marchands d'un air désespéré. Ça faisait quelque temps qu'elle ne l'avait pas vu, ça lui faisait plaisirs de le revoir. Elle se considérait un peu comme sa grande sœur parce qu'il lui rappelait son propre petit frère. La jeune femme se dirigea vers l'adolescent, le gratifiant de son plus joli sourire (qu'il ne lui rendit pas même après l'avoir vu).

- Hey ! Comment tu vas Krow ? C'est quoi cette tête, t'es perdu ?

Elle prit le garçon dans ses bras tout en lui parlant, celui ci resta planté les bras ballants sous son étreinte. Il était, comme à son habitude, peu expressif …

Krow regardait désespérément les différents étals, mais pas un seul livre ne montra la bout de son nez (oui, je sais que les livres n'ont pas de nez, c'est une expression).

Je regarde encore trois stands et j'abandonne.

Mais il eut à peine posé les yeux sur le suivant que quelque chose l'enserra brutalement.

- Hey ! Comment tu vas Krow ? C'est quoi cette tête, t'es perdu ?

Argh ! pensa le jeune homme. Car il avait reconnu cette voix.

-Lâche-moi, Berry !! Tu m'étouffes !

Il se dégagea promptement et s'écarta de la jeune femme, mais c'était uniquement par principe. En effet, Berry était probablement la seule personne que Krow supportait en ce bas-monde, ce qui l'élevait quasiment au rang de déesse. Mais jamais, au grand jamais, il ne l'aurait avoué.
Il arbora un air blasé.

-Pourquoi tu me demandes ça ? Je faisais une tête bizarre ?

Pour le jeune homme, c'était beaucoup dire. Krow n'était capable d'afficher que trois émotions différentes : la colère, l'ennui et la blasitude (qui n'existe pas, soit dit en passant).
Donc s'il avait une drôle de tête, c'était une de ces trois-là.