Le Palais et ses merveilles, si agité à toute heure que tu avais l'impression que la vie ne s'arrêtait jamais, que personne ne prenait le temps de dormir, comme si tout était pressé, que tout devait se faire dans l'instant, qu'il n'y avait pas le temps de s'arrêter quelques secondes pour reprendre son souffle, que chacun devait courir pour remplir ses devoirs, parce que l'heure tournait et que le temps, c'était de l'argent. Tu y rencontrais de tout, des femmes de ménage aux hommes d'importance, en passant par le simple touriste venant se prélasser au palais des bains ou admirer la splendeur et la luxuriance des décors. Tu adorais passer dans les longs couloirs bondés, à pas lents parce que toi, tu avais le temps, contrairement à toutes ces fourmis occupées à faire tourner la gigantesque machinerie du royaume, occupées à ce que tout soit parfait pour le passage de la famille Royale et de sa suite. Tu riais de ces dames au regard orgueilleux et à la tête haute, rivalisant de beauté dans leurs robes de soie ou de satin, perchées sur des talons si grands, si élevés, qu'elles peinaient à marcher alors que toi, toi tu étais aussi libre qu'une étoile peut l'être, aussi légère que la traînée d'étoiles que tu laissais en permanence derrière tes pas. Tu riais parce que tu n'avais pas besoin de tous ces artifices toi, parce que leur bonheur te semblait si superficiel et quand bien même tu voulais que le monde soit heureux, tu recherchais un bonheur plus profond, logeant au cœur de l'âme et non dans le simple esthétisme de cour.

Tu traversas encore quelques corridors avant d'arriver devant l'espace fermé des chambres royales, là où tu venais chercher ton cher Barthélemy, ton petit ange adoré, monsieur le Prince de Yubaba. Tu ne savais pas trop comment, sûrement par la force des choses puisque tu passais beaucoup de temps dans le Palais, tu t'étais retrouvée gouvernante du Prince. C'était un travail qui te plaisait beaucoup, tu adorais les enfants, et surtout, Barthélemy était tellement chou que tu ne pouvais que l'aimer lorsque tu le voyais, lui et ses cheveux blonds, son visage d'ange, son sourire malicieux, ses airs espiègles qui signifiaient souvent qu'il était sur le point de faire une bêtise et surtout, ses yeux émerveillés devant tes étoiles, que tu t'amusais à faire pleuvoir sur lui pour le voir rire, la bouche grande ouverte, comme s'il cherchait à les gober. Tu n'avais même plus besoin de montrer ton autorisation de passage maintenant (les étoiles consistaient effectivement en un bon moyen de reconnaissance et tu devais être la seule à avoir un don pareil !), on te connaissait et tu pénétras dans l'antre royale, à la recherche de ton casse-cou préféré.

« BARTHYYYYY ! »

Tu te moquais bien que cela se fasse ou pas, de crier vers les chambres royales, mais vu l'heure, il était peu probable que les membres de la famille Trafalgar soient encore en train de dormir. Tu te précipitas vers la chambre de ton protégé (s'il n'était pas en train de courir tout nu dans le couloir, il était forcément là) et entras sans frapper, sans même faire attention à ce qu'il pouvait être en train de faire, projetant des dizaines d'étoiles sur le sol moelleux.

« BARTHÉLEMY TRAFALGAR ! T'as fait tes devoirs ? Non ? Pas grave ! J'ai un truc super cool à te faire faire, tu vas adorer ! Allez, habille toi correctement, on sort ! »

Oui, bon. Tu n'étais pas vraiment la gouvernante modèle et tu ne niais pas le fait que c'était souvent toi qui l'entraînais le plus dans les bêtises que l'inverse. Mais tu n'y pouvais tout de même rien si tu étais restée une enfant dans ta tête ! A ce train là, tu n'étais même pas sûre de garder ton job si Batilda ou All'Oween l'apprenaient mais tu doutais tout de même que ce fut leur genre de te retirer ton poste juste pour ça, puisque tu t'occupais si bien de leur petit frère adoré. Au moins, avec toi, il ne s'ennuyait jamais ! Et puis, s'il te fallait inventer encore une fois une nouvelle excuse, et bien ... tu improviserais sur le moment !

« Allez, dépêche toi jeune homme ! »

Barthélemy. Cheveux jaunes, pas très grand, un peu chétif, surexcité mais surtout, toujours à moitié à poil. Tu te demandais parfois si ce gosse connaissait la définition du mot « pudeur », voire le mot « pudeur » tout court, en fait. Sûrement pas, il ne faisait jamais ses devoirs ! Et ce n'était pas réellement toi qui l'incitait à le faire, preuve en était ce jour là encore. Qu'il travaille ou pas t'importait peu, il était jeune et tu voulais qu'il profite de sa jeunesse pour s'amuser, parce que tu profitais de la tienne pour faire de même et que tu avais bien l'intention de l'entraîner avec toi ! Neuf ans, ce n'était pas un âge à passer assis à un bureau, enfermé entre quatre murs, à apprendre des choses qui ne lui serviraient peut-être (voire sans aucun doute) jamais ! Il était Prince, il avait juste besoin de savoir charmer le peuple avec un sourire scintillant, à faire quelques révérences galantes aux jeunes femmes et le tour était joué ! A quoi bon connaître le théorème de truc, les propriétés de machin et la philosophie de bidule ? Non, vraiment, tu ne voyais pas l'intérêt. Aujourd'hui (comme presque tous les autres jours), c'était l'heure de s'amuser.

"On part a l'aaaaaaaaaaaaaaaveeeeeeeeeeeeeeeen
tuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuure! ?"
« Oui, et si tu n'enfiles pas quelque chose rapidement, je te laisse derrière sans même une étoile ! »

Tu pris un air très sérieux, les sourcils froncés, et tu le fixas méchamment. C'était le menace du siècle ! Le problème, avec Barthy, c'est que tu ne pouvais rester impassible très longtemps et le sourire qui se cachait revint vite sur tes lèvres alors que tu voyais ton petit prince courir dans tous les sens à la recherche de quelque chose à mettre. Tu étais tellement contente de l'emmener en balade que tu avais l'impression que tes étoiles se déchaînaient un peu et que ton corps brillait de plus belle, toutes excitées à l'idée que vous alliez encore faire une sacré bêtise.

"Cap'tain Star! Officier Petit Lu a ton service! je te suivrais jusqu'au bout des royaumes s'il le faut"
« J'espère bien oui ! Que ferais-je sans mon coéquipier préféré ?! »
"Tu sais, un jour, on devrait écrire une chanson sur nous deux... Quelque chose comme... La Team Étoile, plus cool qu'All'O'Ween... Rendez vous tous ou... ... Ou... Ou on vous roulera dans la farine!!"

Tu passas la porte en riant devant les manières charmantes de ton protégé et pour le taquiner, tu lui enfonças le béret sur le nez, entraînant une avalanche d'étincelles sur son visage.

« Quelle galanterie, Officier Petit Lu ! Je suis charmée. » Puis tu te mis à siffler un petit air, une mélodie entraînante, qui ressemblait aux génériques de ces dessins animés que tu avais tant regardé quand tu étais petite. « La Team Étoile largue les voiles, part pour une épopée plus que géniale, pour faire le tour du monde, et sur les eaux elle vagabonde ♪. » Tu éclatas de rire. « On est pas encore musiciens professionnels nous ! »

Puis, d'un mouvement leste de la main, tu sortis un ruban noir de ta poche, illuminé d'étoiles, et sans laisser le temps à Barthélemy de réagir, tu lui passas autour des yeux.

« Hop là ! Tu ne vois plus ! C'est le jeu d'aujourd'hui, tu touches pas ! Je te l'enlèverai quand on sera à destination ! Allez, en route mauvaise troupe, j'te guide, donne moi la main ! »

Tu attrapas sa petite menotte et l'entraînas à ta suite, direction les labyrinthes !

"Aïe"

Oups. Tu avais beau lui tenir la main, tu n'arrivais pas à le guider parfaitement, sauterelle qu'il était, à se trémousser dans tous les sens sans réellement suivre la direction que tu aurais aimé qu'il prenne.

"STAR! si tu continues a me faire faire des bisous au mur... Je... Euh... Je te mords les fesses! "
« Hé, j'y peux rien si tu bouges dans tous les sens, chenapan ! Tiens toi un peu tranquille ! » Tu souris et pris une fausse intonation apeurée : « Tes menaces sont, euh. Terrifiantes ! »

Tu avais cependant véritablement peur qu'il n'arrive pas entier (ou du moins très en forme) aux labyrinthes mais cela te faisait beaucoup rire (intérieurement, bien sûr) de le voir se prendre quelques colonnes dans la tête. Tu étais persuadée que cela lui remettrait les idées en place et quitte à ce qu'il en perde quelques neurones, c'était un mal pour un bien, n'est-ce pas ? Oui, bon, d'accord. Ce n'était pas très indiqué, comme méthodes d'éducation mais avec un tel casse-cou, tu ne voyais pas grand chose d'autre ! Tu resserras ta prise sur sa main alors qu'il se prenait un côté de pilier et le tiras vers toi.

"STAR! Si tu le refais, je dis a All de te manger toute crue!"
« J'ai rien fait moi ! Je t'ai pas poussé contre le mur, c'est faux ! En plus, All' a peur de moi, il risque pas de me faire quelque chose ! »

Hein, que quoi ? Comment ça, ce n'était pas une chose à dire au Prince ? C'était vrai, après tout, et cela t'avait beaucoup fait sourire lorsque tu avais remarqué qu'All détestait particulièrement tes étoiles et faisait tout pour les éviter. Faisait tout pour t'éviter toi, en fait, même. Tu étais persuadée qu'il te trouvait bien trop brillante pour ses ténèbres, tant pis pour lui !

« Reste près de moi, veux-tu. Ce serait embêtant si tu récoltais quelques bosses sur le chemin, tu es trop mignon pour être abîmé ! Que vont-dire les jolies dames de la cour quand elles te verront, si tu es bossu ? » Tu lui fis une petite pichenette sur le front, de ta main libre. « Mais moi je te trouverais toujours très beau, ne t'en fais pas ! » Tu accéléras un peu la marche et t'exclamas : « Oh, on est presque arrivés ! Tu es prêt pour la grande aventure, Officier p'tit Lu ? »

Et vous pénétrèrent dans les labyrinthes ombragés.
Attrapant Barthélemy par les épaules, tu le fis tourner trois fois sur lui-même dans un sens puis dans l'autre, afin de le déstabiliser. Tu t'approchas de son oreille et chuchota doucement, d'une voix lugubre.

« Officier Petit Lu, vous entrez dans une nouvelle galaxie, où la gravité n'est pas la même que sur votre planète originelle. Ne vous étonnez pas d'être un peu déboussolé. Votre mission, puisque vous l'avez acceptée, est de détruire les légumes mutants qui ont pour projet d'envahir la cité de Yubaba. Le Capitaine Star sera avec vous et vous assistera lors de cette tâche de la plus haute importance. La sécurité du royaume est entre vos mains, bonne chance. »

Puis tu enlevas le bandeau de l'enfant, avant de t'éclipser rapidement sans qu'il n'ait le temps de te voir. Tu espérais juste que les étoiles n'allaient pas te trahir et que pour une fois, elle ne dureraient pas plus de quelques secondes.

Maintenant, il fallait trouver des légumes mutants.

Les labyrinthes, si grands qu'il fallait parfois des heures pour réussir à trouver l'une des quatre sorties. Tu t'étais déjà perdue un nombre incalculable de fois dedans mais tu trouvais cela toujours aussi amusant et emmener ton petit Prince dans ce lieu incroyable t'avait semblé être la meilleure idée et surtout la plus drôle. Et puis, même si vous vous perdiez, il y aurait toujours un moyen de rentrer au Palais sains et saufs. Tu avais entendu dire que pour retrouver son chemin, il suffisait de garder sa main sur le mur de droite mais tu n'avais encore jamais essayé. La dernière fois, tu avais tenté de tracer ton chemin avec des étoiles mais lorsque tu avais voulu faire demi-tour, elles avaient toutes disparu et tu t'étais sentie très bête.

Après avoir laissé Barthélémy aux prises d'un vertige à tomber par terre, tu pris la poudre d'escampette. Il y avait quelques visiteurs par-ci par-là, quelques couples enlacés dans l'ombre des grands murs végétaux, quelques jardiniers aussi qui travaillaient à ce que ces haies immenses soient toujours parfaites. Tu étais sûre qu'ils connaissaient leur chemin, eux ! Tu pris à droite, à droite, à gauche, tu laissais ton corps te guider alors que ton esprit vagabondait. Tu imaginais ton adorable protégé courir dans tous les sens, à ta recherche, et cela te fit sourire. Tu eus même l'impression de l'entendre crier ton nom, un peu plus loin.

"Mais pousse-toi te dis-je, vile gueuse! C'est ton prince qui te l'ordonne"

Ah. Il semblerait que tu aies retrouvé l'officier ! Et il a l'air bien occupé à se frayer un passage. Tu jetas un coup d’œil et tu le vis de dos, face à une dame au physique ... imposant, pestant comme un charretier. Tu ris devant l'air perplexe qu'elle arborait puis reculant de deux ou trois pas, tu pris une voix soudainement terrifiée.

« Officier Petit Lu, au secours ! Ils m'ont retrou--- Kyaaaaaaaaaaaaaaah ! »

Essayant de ne pas exploser de rire devant cette imitation pitoyable d'une jeune fille paniquée, tu repartis d'un pas vif dans la direction contraire, semant derrière toi tes étoiles scintillantes. Barthélemy était d'ailleurs sûrement assez proche pour les distinguer avant qu'elles ne disparaissent et à moins qu'il ne soit dénué d'un quelconque sens de l'observation, il te retrouverait rapidement !

« OFFICIEEEEEEEEER ! »

Ta voix était désespérément teintée d'amusement. Des bruits de course retentirent derrière toi et tu te faufilas furtivement dans un recoin, attendant que le Prince fasse irruption pour venir te sauver. Et au moment où sa jolie tête blonde apparut, tu lui bondis dessus en hurlant.

« BOUH !! »

Puis tu éclatas de rire.

"Tu m'as fait peur Capitaine...! Ils sont ou les légumes?

Tu ris de bon coeur lorsqu'il tomba à la renverse et ton rire redoubla d'intensité devant son air perdu et un peu scandalisé d'avoir été pris par surprise. Tu l'observas attentivement, voyant qu'il réfléchissait, et te tus pendant que son cerveau travaillait à toute allure. Tu aurais presque pu voir de la fumée lui sortant par les oreilles tant il semblait concentré  et déterminé à trouver le mot final de cette histoire de végétaux vivants.

"Han... En fait, y'a pas de légumes... En fait... [...] Tu pourrais bien être un légume qui a pris son apparence...? De quelle couleur était la petite culotte que j'ai mis sur ma tête, le jour ou on est partit en pique nique?"

Tu haussas un sourcil, pris un air faussement absorbé et réfléchis à ce que tu pourrais lui dire. A vrai dire, tu ne te souvenais plus du tout de cet épisode et s'il semblait avoir été marquant dans l'esprit de ton protégé, le tien n'avait pas jugé nécessaire de le conserver. A moins qu'il ce souvenir ne soit tout simplement noyé parmi toutes les autres bêtises que vous aviez pu faire tous les deux, ce qui était hautement probable également.

Si tu sortais une couleur random et que ce n'était pas la bonne, tu pouvais alors lui faire croire que tu étais effectivement un légume qui avait pris l'apparence de son cher capitaine et commencerait ensuite une course poursuite géniale dans les labyrinthes, dont il se souviendrait sûrement toute sa vie. Mais si, par une chance incroyable, tu sortais la bonne couleur ... et bien tu n'aurais pas besoin, à la fin de la journée, de le convaincre que tu étais vraiment Star. Ce qui était un souci non négligeable si tu choisissais la mauvaise couleur.

Quel dilemme !

Tu fis la moue puis tu le regardas alors qu'il attendait ta réponse. Il te fallait un moyen d'esquiver la question. En toute subtilité bien sûr. Tu fis mine de regarder par dessus lui, écarquilla les yeux de stupeur (tu allais devenir maître des fausses expressions faciales !) et t'écrias avec force :

« OFFICIER ! POIREAU DERRIÈRE VOUS, COURREZ ! »

Tu te retournas brutalement et pris la fuite, attrapant le petit Prince par la main et l'entraînant à ta suite sans qu'il n'ait le temps de se retourner pour vérifier tes dires. Tu ne savais pas où vous alliez, toutes ces haies se ressemblaient, mais tu courais et il te suivait. Au bout d'une bonne dizaine de détours, alors que tu avais la forte impression de tourner en rond, tu ralentis et t'arrêtas lentement en souriant.

« Wah, on l'a échappé belle ! Décidément, ils ont envahis tout le labyrinthe, ces fourbes ! On va devoir la jouer discrets pour sortir d'ici ! et je ne sais absolument pas où on est ! Une idée, officier P'tit Lu ? »