Earl Grey. Tu rêvais d'une fin heureuse à une époque. Celle où le royaume se rétablirait, retrouverait une certaine puissance, en paix avec les autres territoires. Un peuple qui vivait bien. Ce n'était pas trop demandé, si ? Un royaume où tu aurais pu vivre heureuse, avec Gabriel.
Pas un royaume détruit par la guerre, avec un racisme et une haine incessants envers les réfugiés exilés.
Les landes étaient détruites. Ce n'était plus l'endroit que tu connaissais.
Même le château ambulant semblait perdu, c'est tout dire. Il ne reconnaissait même plus sa propre terre.
Du feu, du sang, des ruines. C'était tout ce qu'il restait.
Tu aurais pu rester longtemps comme ça, assise au bord de la fenêtre, à te souvenir du temps où tout se passait bien.
À tenter d'oublier la mort de tes parents, la pulsion meurtrière de Gabriel et tes mois de solitude, et ces semaines où tu fuyais la réalité sous forme de mouton.
Et maintenant, qu'est-ce qu'on avait ?
Un simulacre de démocratie, un semblant d'ordre dans un royaume dévasté.
Tout avait été jeté à la poubelle.
Tu ne pouvais pas le nier, pour toi aussi c'était dur de les accepter, ces exilés. Tu te demandais si certains avaient survécu au démon de Gabriel. Probablement pas.
En un sens, tu étais soulagée.
Tu ne sais pas ce que tu aurais fait si tu étais tombée sur eux encore une fois.
Mais il fallait être objectif. Ces réfugiés l'avaient fait pas désespoir. Ils voulaient être reconnus comme des êtres humains, et non pas comme des pestiférés. Mais cette révolution avait-elle changé quelque chose ? Maintenant, s'ils ne vivaient plus dans un désert caniculaire, ils vivaient dans des poubelles, en se faisant insulter par les autres habitants.
C'était en parti pour ça qu'elle s'était présentée aux élections. Elle voulait les aider. Elle voulait les sauver. Elle voulait les aimer.
C'était un échec. Un échec cuisant.
Il fallait qu'elle reconnaisse qu'elle était une mauvaise dirigeante, et que, malgré ses efforts combinés à ceux de Riddler, elle n'était pas parvenue à grand chose.

Non, non, non, ressaisis-toi.
Tu te souviens de ton enthousiasme débordant quand tu es entrée au pouvoir ? Tu te souviens de ta détermination ? Il faut rester ainsi, ne pas devenir une de ces désespérées qui laisse la vie faire en la regardant passer. Il ne faut pas que la destinée te domine, il faut que tu t'accroches, que tu sortes la tête de l'eau pour ne pas te noyer.
Il fallait promulguer des lois, rendre la justice, et tout faire pour que les cieux tournent mieux. Il fallait aller mieux.
Tu te lèves, t'étires et fais craquer tes vieux os.
Un sourire s'étend sur tes lèvres et tu vas t'asseoir à ton bureau.

Suite aux événements dramatiques qui se sont déroulés en notre grande contrée des Landes de Calcifer, le gouvernement démocratique des Landes convie tous nos citoyens, réfugiés ou non, à un grand événement se déroulant au bord de l'étang fleuri !
Restez forts citoyens !
Earl Grey, 1er Ministre du Royaume des Landes de Calcifer.


Tu appelles un crieur public. Il fallait répandre la nouvelle.