Détester Heisenberg devrait être la chose la plus facile au monde.

Le detestage d'Heisenberg, il l'avait pratiqué avec brio, comme un sport, et très franchement, il aurait bien mérité une médaille olympique. Il avait prévu, d'ailleurs, de continuer à détester Heisenberg toute sa vie. Impossible donc, d'expliquer ce qu'il faisait en tête à tête avec lui dans un bar des Landes, un jeu de carte étalé sur la table entre eux.
Pi jouait au poker avec Heisenberg. Et Pi rayonnait de bonheur.

« On t'a déjà dit …. » il se pencha un tout petit peu en avant, cachant ses cartes derrière sa main. « Que tu étais une merde à ce jeu ? »

Un espèce de petit rire s'échappa de ses lèvres alors qu'il se calait dans sa chaise. Il était bien trop heureux. Il ne savait pas trop ce qui lui arrivait, en fait. La fumée qui emplissait la salle, cadeau des rares autres clients, devait lui monter à la tête. Et il gagnait. Il ne se savait pas bon à ce jeu, mais aujourd'hui, il enchaînait les coups de chance.
Il agita ses cartes sous le nez de son adversaire, d'un air faussement sévère.

« Fais attention, si tu perds encore une fois, c'est le gage. Et je me sens pas d'humeur charitable. »

Trop joueur, hein, Heisenberg. Pi se recala sur sa chaise, ravi, un peu comme un gosse qui ne tient pas en place. La fumée lui piquait les yeux et la gorge, mais pour une fois il ne trouvait pas ça désagréable, même si son regard déviait vers le coin de la bouche de son adversaire ou une cigarette se consumait doucement. Heisenberg misait tous ses jetons, et Pi sourit. Après quelques secondes d'hésitation, il poussa la même somme au milieu de la table ; il gagnait, pas de quoi s’inquiéter, et tendit une main pour dévoiler le reste des cartes. Avec l'état de la main de l'autre, c'était à lui de distribuer et autres, et il s'étonnait de ne pas avoir été accusé de tricher par le dirigeant, qui n'était pas connu pour sa bonne fois.

En attendant, il trépignait presque à l'idée des gages qu'il allait pouvoir lui donner.

« Ok, on dévoile ? », il suggéra, et montra ses cartes en même temps qu'Heisenberg. « Oh, quel dommage... »

il ronronnait presque. Ça lui faisait bien cinq ou six victoires d'affilées, et franchement il ne croyait presque pas au manque de chance que pouvait avoir le dirigeant. C'était presque triste à voir.

« D’accord », il dit lentement en regardant autour de lui à la recherche d'une bonne idée. Il n'y avait rien autour de lui qui se prêtait au jeu. Le faire boire ? A peine un gage. Mais il ne voulait pas non plus être trop méchant, en tout cas pour commencer.

Idée soudaine. Sous la table, il se débarrasse d'une de ses chaussures, et met souplement son pied sur la table entre les cartes.

« Embrasse mon pied. » il prend un air bien trop ravi pour son propre bien.« Désolé mon petit Heisenberg, c'est le jeu. Promis, il est propre. »